Souvenir mars-juin 2020



JOUR 1

Mercredi 18 mars. Premier jour à quatre à la maison. Journée
ensoleillée, les enfants ont pu profiter du jardin. Pas encore de
nouvelles de la maîtresse, j'imagine qu'il faut le temps de
s'organiser. Ce midi, apéritif en famille, jeux l'après-midi ;
Mathilde avait fait un gâteau au chocolat pour le goûter. Petit air de
vacances !

JOUR 2

Jeudi 19 mars. Première tonte de l'année ! J'adore l'odeur de l'herbe
coupée. Les arbres sont en bourgeons, les tulipes sortent de terre,
les premiers jours de printemps sont toujours agréables !
Foot avec les enfants qui ont fini par se disputer, comme toujours. La
vie s'organise tranquillement.

JOUR 3

Vendredi 20 mars. Les premiers devoirs sont tombés pour Mathis :
révisions sur les divisions. Surtout rester calme...
Léa fait des dessins pour papa et maman. Trop mignon.

JOUR 5

Dimanche 22 mars. Le jardin est au carré, on dirait Versailles ! Comme
quoi il y a toujours du bon à prendre ! Mathilde a les mains dans la
farine la moitié du temps : gare aux kilos en trop !
Léa a épuisé la moitié du stock de pages blanches, c'est moche pour la planète.
Côté divisions, on rame...

JOUR 7

Mercredi 25 mars. Si Mathis me demande encore une fois ce qu'est un
dividende, je lui fais manger son cahier !
Léa a enfoncé toutes les pointes de feutres et chouine à longueur de journée.
Mathilde s'est lancée dans la confection d'un gâteau roumain à la
purée de marrons et aux pruneaux. Est-ce vraiment une bonne idée ? Le temps commence à sembler long.

JOUR 10

Samedi 28 mars. Je crois que mon fils est con, j'ai abandonné la
division. On a une semaine de retard sur le travail envoyé par la
maîtresse. J'ai vomi le gâteau aux marrons.

JOUR 11

Dimanche 29 mars. La caisse à outil est nickel, j'ai rangé mes clefs
plates par ordre de grandeur, les marteaux par ordre croissant de
poids. J'ai trié tout ce qui pouvait se trier dans la maison : clous,
vis, boutons, punaises (par couleurs), slips.. Je commence à voir
flou.

JOUR 14

Mercredi 1er avril. On continue sur le passé simple. La décence
m'oblige à me taire. ..

JOUR 15
Je rédige une lettre à l'attention du pape pour faire canoniser la
maîtresse de mon fils. J'ai envie d'écouter Céline Dion en passant
l'aspirateur dans le garage. Je crois que ça va pas le faire.

JOUR 16

Vendredi 3 avril. « Les enfants prenâmes le goûter sur la terrasse ».
Bon c'est fois-ci c'est clair, Mathis n'aura pas non plus le prix
Nobel de littérature... J'ai envie d'épouser sa maîtresse...je crois
que je commence à délirer...
Léa regarde la télé H 24.
Mathilde a commencé une pièce montée à cinq étages. Je le sens pas
trop. J'ai déjà pris cinq kilos...

 

JOUR 17

Samedi 4 avril. Je crois que j'ai chopé un Gilles de la Tourette avec
ce putain de passé simple de merde !
La pièce montée s'est cassé la gueule.
J'ai des hallucinations, les dessins de ma fille me parlent
 
JOUR 18

Dimanche 5 avril. Pour la première fois de ma vie, j'ai prié Dieu...

JOUR 19

J'ai bouffé la page du livre de conjugaison. Problème réglé...

JOUR 20

Passé la journée à chercher le chien, on l'a perdu !

JOUR 21

Merde, c'est vrai, on n'a pas de chien ! J'attaque ma cinquième bière
de la journée.
Léa ressemble à un lapin qui aurait attrapé la Myxomatose.

JOUR 30

36 mars. Je suis sûr d'avoir vu passer la maîtresse de Mathis dans la
pâture derrière chez nous : elle promenait son Bescherelle en laisse.
Je vais reprendre un ricard …

JOUR 31

J'ai les dents qui grattent, je transpire des yeux. Je me rends compte
que mon slip est à l'envers. Comme je le porte au-dessus mon pyjama,j'ai l'air encore plus con.
 
   

 

JOUR 32

An 3020 après ma belle-mère. Plus de farine dans les magasins,
Mathilde est prostrée sur une chaise dans la cuisine, elle fait la
conversation au four.
Mathis essaye de diviser le passé simple. Léa bave devant la
télévision. Les stocks de Ricard sont épuisés. Au secours...

JOUR 40

37 avril 2028. Oh putain on a remonté le temps ! Il se passe des trucs
bizarres... Il y a une dame dans ma cuisine qui pleure en regardant le
four, je ne sais pas du tout qui c'est. Et cette petite assise dans le
coin qui regarde en ricanant, elle me file les jetons. De toute façon
je ne sais plus comment je m'appelle. Je ne sais même plus pourquoi
j'écris. C'est la fin...

JOUR 50

Il s'est passé quelque chose. Il y a des gens partout, on entend «
c'est fini ! », « C'est fini ! », « Plus de confinement ! ». Je ne
sais pas ce qu'il se passe. Je sors pour voir. Je m'y reprends à trois
fois avant de savoir enfin passer la baie vitrée. Je respire à pleins
poumons. Je tombe dans les pommes. Direction les urgences.

JOUR 60

Vendredi 15 mai. Reprise du travail depuis une semaine. Mathilde,
Mathis et Léa vont bien. La vie a repris son cours normal, si ce n'est
que j'ai du cholestérol, du diabète, des troubles de la personnalité
(mon double ne parle qu'au passé simple et cherche à diviser tout ce
qu'il peut, c'est un peu pénible...) Mais bon nous en sommes sortis
vivants ! Rendez-vous demain chez la psy, 15h30...

Ajouter un commentaire